[2010] Se rappeler du fascisme : les leçons du passé

Je suis juste assez vieux pour avoir des souvenirs des discours d’Hitler à la radio il y a 75 ans. Je ne comprenais pas les mots, mais je pouvais facilement saisir la menace du ton et les acclamations de la foule. J’ai écrit mon premier article politique en février 1939, juste après la chute de Barcelone. Je suis sûr qu’il n’avait rien de mémorable. Je m’en souviens beaucoup moins que de l’ambiance de peur et d’appréhension qui régnait. L’article commençait avec ces mots: “L’Autriche tombe, la Tchécoslovaquie tombe, et maintenant Barcelone tombe” – et l’Espagne avec, quelques mois après. Les mots me sont toujours restés à l’esprit, tout comme l’angoisse, la perception des nuages sombres du fascisme se rassemblant sur l’Allemagne, puis l’Europe et peut-être au-delà, une force grandissante d’une inimaginable horreur. Lire la suite

[2007] Responsabilité et sentiment de culpabilité face à la guerre +

Et cela ne fait que souligner combien la démocratie est toujours crainte et détestée dans le milieu de l’élite culturel, et cela est particulièrement criant aujourd’hui. C’est souvent corrélé avec une proclamation d’amour pour la démocratie. Plus vous haïssez la démocratie, plus vous dites combien c’est formidable et combien vous lui êtes dévoué. […]

Mais, les prétentions à l’expertise sont très étonnantes. Ainsi, les économistes vous disent « Nous savons comment diriger l’économie » ; les experts ès sciences-politiques vous disent « Nous savons comment diriger le monde, et vous ne devez pas vous en mêler car vous n’avez ni les connaissances ni la formation spécifiques. »

Quand vous y regardez de plus près, les prétentions s’effritent assez rapidement. Il ne s’agit pas de physique quantique où on trouve certes des prétentions infondées, mais parfois aussi des fondements à ces prétentions. Mais ce qui se rapporte à la vie humaine est, de façon caractéristique, très largement à la portée d’une personne se sentant concernée et prête à se donner la peine. Lire la suite

[1983] Le monde tel qu’il est vraiment : ceux qui le connaissent – et pourquoi

Je vais vous donner un exemple. Souvent, quand j’écoute la radio au volant de ma voiture, je tombe sur des débats ayant trait au sport. Il s’agit de conversations téléphoniques. Les auditeurs appellent et se lancent dans des discussions à la fois longues et complexes, qui, à l’évidence, mettent en œuvre un haut degré de réflexion et d’analyse. Ces personnes savent énormément de choses. Elles connaissent toutes sortes de détails compliqués et se livrent à des discussions interminables afin de savoir par exemple si la décision prise la veille par l’entraîneur était la bonne ou non, etc. Il ne s’agit pas de professionnels mais bien de personnes tout à fait ordinaires qui mettent leur intelligence et leurs capacités d’analyse au service de ces domaines. Elles accumulent une quantité énorme de connaissances et, je pense, de compréhension. A contrario, lorsque j’entends des gens parler d’affaires internationales ou intérieures, c’est incroyablement superficiel. Lire la suite

[2005] La Manipulation par la Peur +

Le recours, par les systèmes de pouvoir, à la peur pour discipliner la population intérieure a laissé un long et épouvantable sillage de carnage et de souffrance que nous ignorons à nos risques et périls. L’histoire récente en fournit de nombreuses illustrations choquantes. Lire la suite

[1999] Deux heures de lucidité (7/9) – La démocratie

La démocratie est le meilleur système, pas le moins pire. […] elle existe mais n’a pas encore rempli toutes ses promesses. […]

L’Europe s’imagine qu’elle a des intellectuels engagés, mais la réalité est bien différente, à quelques exceptions près. Quand il y a eu des progrès, ils sont venus non pas des intellectuels, mais d’abord et surtout des forces populaires, et bien souvent des organisations de la classe ouvrière. […]

Il a fallu des centaines d’années pour convaincre les gens que, conformément à l’éthique du capitalisme, ils devaient s’enrichir et rompre avec l’égalitarisme. C’est la politique des élites. […]

Plus une société est libre, plus elle a recours à la peur et à la propagande. […] Tout l’art de la propagande consiste à donner aux gens le sentiment qu’ils sont impuissants, isolés, coupés les uns des autres. En fait, pour l’industrie de la publicité et de la propagande commerciale en général, le monde idéal serait un monde fondé sur deux éléments : d’abord la télévision, chacun devant son poste, coupé des autres, voire de sa famille ; ensuite, pour autant que cet idéal puisse être approché, que les gens ne constituent plus une menace pour les riches et les privilégiés, de sorte qu’il n’y ait pas de « crise de la démocratie» au sens où l’entendent les élites. Les gens ne s’occuperaient que de leur propre petite vie, des choses superficielles de l’existence, comme les objets de consommation à la mode ou le sport. Ils seraient «spectateurs», et non «acteurs», dans l’élaboration de la politique à tous les échelons : local, sur les lieux de travail et au-delà.[…]

Les médias ne représentent qu’une toute petite partie de la vaste machine de propagande. Il existe un système d’endoctrinement et de contrôle beaucoup plus vaste, dont les médias ne sont qu’un rouage : l’école, l’intelligentsia, toute une panoplie d’institutions qui cherchent à influencer et à contrôler les opinions et les comportements, et dans une large mesure à maintenir les gens dans l’ignorance. […]

Ce qui empêche les gens de se révolter, ce n’est pas qu’ils ne savent pas. Ils ne se révoltent pas parce que cela coûte cher. Si vous prenez l’initiative de changer Tordre des choses, vous risquez de le payer très cher. […] Si l’on veut agir, il faut se moquer de l’opinion; c’est la seule façon d’être libre et de faire ce que l’on pense être juste. Lire la suite

[2009] Vidéo : Chomsky et le pouvoir

Chomsky et le Pouvoir est un film documentaire français d’Olivier Azam et Daniel Mermet. Ce film est la suite de Chomsky & Cie. Olivier Azam et Daniel Mermet ont réalisé ce film après les rencontres avec le public suite à la projection de Chomsky & Cie. Daniel Mermet a de nouveau interviewé Noam Chomsky en avril 2009. Cet interview est constitué principalement autour des questions posées par le public. Lire la suite

[1999] Deux heures de lucidité (4/9) – Les centres de pouvoir

Les États les plus puissants, les grandes multinationales, les banques et les institutions internationales sont tous liés par des alliances et des intérêts communs. […]

L’entreprise est une institution totalitaire. Les multinationales modernes sont régies par le principe selon lequel les entités organiques auraient des droits sur les individus. […]

Il n’y a rien au sommet de la pyramide su pouvoir ! Le monde n’est pas un système totalitaire. […]

Pierre Bourdieu a écrit là-dessus : “on apprend à se comporter d’une certaine façon, et ceux qui n’y arrivent pas finissent chauffeurs de taxi” Lire la suite