[2002] La Fabrication du consentement (Conclusion)

Pour résumer, les médias aux États-Unis sont de puissantes et efficaces institutions idéologiques qui accomplissent une fonction de propagande au service du système grâce aux mécanismes du marché, d’idées reçues intériorisées et d’autocensure, mais sans véritable coercition directe. Ce système de propagande est devenu d’autant plus efficace au cours des dernières décennies, à la suite du développement des réseaux de télévisions nationales, d’une concentration accrue des grands médias, des pressions de la droite sur les radios et télévisions publiques et de la croissance tant de la taille que de la sophistication, des relations publiques et de la gestion de l’information. Pour autant, le système n’est pas « tout-puissant ». […]

L’organisation et l’auto-éducation de groupes militants, au sein des différentes communautés ou sur le lieu de travail, leur militantisme et leur capacité à s’organiser en réseaux sont plus que jamais des éléments fondamentaux de la démocratisation de notre vie sociale et de toute perspective de changement social significatif. C’est seulement si de tels changements se produisent que l’on peut espérer assister à l’avènement de médias réellement libres et indépendants. […]

Dès lors que les aspects les plus négatifs de l’attitude des médias résultent principalement de leur structure même et de leurs objectifs, toute évolution réelle repose sur des changements de l’organisation qui les sous-tend et de ses objectifs.
Lire la suite

[2002] La Fabrication du consentement (Introduction)

Cet ouvrage est construit autour de ce que nous appelons un « modèle de propagande », une construction analytique dont l’objet est de tenter de rendre compte du fonctionnement des médias américains à partir des structures institutionnelles de base et du système de relations dans lesquels ils opèrent. Notre point de vue est que les médias, entre autres fonctions, jouent le rôle de serviteurs et de propagandistes des puissants groupes qui les contrôlent et les financent. Les porteurs de ces intérêts ont des objectifs précis et des principes à faire valoir, ils sont aussi en position d’infléchir et d’encadrer l’orientation des médias. Cela ne s’opère généralement pas au moyen d’interventions directes et grossières mais plutôt grâce à la sélection d’un personnel politiquement aux normes et l’intériorisation par les rédacteurs et les journalistes des priorités et des critères définissant ce qu’est une information valable en conformité avec les politiques de l’establishment. Lire la suite

[2007] Cela ne correspond pas au schéma que les médias veulent faire prévaloir

Depuis 2002 le New York Times Syndicate distribue des articles du fameux universitaire Noam Chomsky, spécialiste des affaires étrangères. Le New York Times Syndicate fait partie de la même entreprise que le New York Times. Bien que beaucoup de lecteurs partout dans le monde peuvent lire des articles de Chomsky, le New York Times n’en a jamais publié un seul. Quelques journaux régionaux aux Etats-Unis -comme le Register Guard, le Dayton Daily News et le Knoxville Voice- reprennent ces articles. Sur le plan international, c’est un peu différent : ces articles sont par exemple repris par la grande presse britannique, l’International Herald Tribune, le Guardian et l’Independent.

City Lights Books vient juste de publier une compilation de ces articles en un seul livre qui a pour titre « Interventions ». Le 1er juin 2007 Noam Chomsky a parlé à la radio avec Sonali Kolhatkar à propos de ce nouveau livre. Lire la suite

[1999] Deux heures de lucidité (8/9) – Les médias

Internet est extrêmement précieux pour se tenir informé en dehors du système. […] Mais Internet, c’est aussi un immense supermarché. Les grandes entreprises veulent en faire un instrument de marketing, un instrument pour renforcer la marginalisation des individus. […] Il peut aussi être un instrument d’aliénation, surtout chez les jeunes. Je vois des étudiants qui ne fréquentent quasiment personne. […]

CoIntelPro était infiniment plus grave que le Watergate. Or, personne n’en a jamais entendu parler. En revanche, le Watergate fait figure de plus grand événement du siècle. Vous pouvez assassiner des pauvres Noirs, mais pas critiquer ceux qui détiennent le pouvoir. […]

Mais on ne vous laissera pas vous expliquer. Donc, ou bien vous passez pour un fou, ou bien vous ne dites que des lieux communs. […]

La rapidité donne l’illusion de vivre au cœur des événements, mais cela signifie seulement qu’on est soumis à une propagande encore plus intense. […]

Même les plus anticommunistes dans le tiers-monde considèrent la chute du Mur de Berlin et l’effondrement de l’Union soviétique comme un grave problème. […]

Il n’y a rien dans les médias, politiquement et idéologiquement, que le simple bon sens ne puisse saisir. Lire la suite

[1999] Deux heures de lucidité (7/9) – La démocratie

La démocratie est le meilleur système, pas le moins pire. […] elle existe mais n’a pas encore rempli toutes ses promesses. […]

L’Europe s’imagine qu’elle a des intellectuels engagés, mais la réalité est bien différente, à quelques exceptions près. Quand il y a eu des progrès, ils sont venus non pas des intellectuels, mais d’abord et surtout des forces populaires, et bien souvent des organisations de la classe ouvrière. […]

Il a fallu des centaines d’années pour convaincre les gens que, conformément à l’éthique du capitalisme, ils devaient s’enrichir et rompre avec l’égalitarisme. C’est la politique des élites. […]

Plus une société est libre, plus elle a recours à la peur et à la propagande. […] Tout l’art de la propagande consiste à donner aux gens le sentiment qu’ils sont impuissants, isolés, coupés les uns des autres. En fait, pour l’industrie de la publicité et de la propagande commerciale en général, le monde idéal serait un monde fondé sur deux éléments : d’abord la télévision, chacun devant son poste, coupé des autres, voire de sa famille ; ensuite, pour autant que cet idéal puisse être approché, que les gens ne constituent plus une menace pour les riches et les privilégiés, de sorte qu’il n’y ait pas de « crise de la démocratie» au sens où l’entendent les élites. Les gens ne s’occuperaient que de leur propre petite vie, des choses superficielles de l’existence, comme les objets de consommation à la mode ou le sport. Ils seraient «spectateurs», et non «acteurs», dans l’élaboration de la politique à tous les échelons : local, sur les lieux de travail et au-delà.[…]

Les médias ne représentent qu’une toute petite partie de la vaste machine de propagande. Il existe un système d’endoctrinement et de contrôle beaucoup plus vaste, dont les médias ne sont qu’un rouage : l’école, l’intelligentsia, toute une panoplie d’institutions qui cherchent à influencer et à contrôler les opinions et les comportements, et dans une large mesure à maintenir les gens dans l’ignorance. […]

Ce qui empêche les gens de se révolter, ce n’est pas qu’ils ne savent pas. Ils ne se révoltent pas parce que cela coûte cher. Si vous prenez l’initiative de changer Tordre des choses, vous risquez de le payer très cher. […] Si l’on veut agir, il faut se moquer de l’opinion; c’est la seule façon d’être libre et de faire ce que l’on pense être juste. Lire la suite

[2010] Vidéo : Chomky et les médias (ASI)

Il serait “l’intellectuel le plus célèbre du monde”. Pourtant, Noam Chomsky vient de passer quatre jours à Paris, et la couverture de cette visite par les grands médias a été plutôt chiche, et relativement atypique (comme nous l’avons remarqué). Est-ce parce que l’Américain, linguiste et penseur politique de la gauche radicale, se montre très critique sur le mode de fabrication de l’information, et sur les liens entre les grands médias et le pouvoir ? Parce que sa pensée est trop complexe pour pouvoir être simplifiée et réduite dans le moule médiatique classique ? Ou bien parce que des intellectuels français ont dressé autour de lui une sorte de barrière de protection ? Lire la suite

[2010] Pour accueillir Noam Chomsky +

Nous publions ci-dessous, sous forme de tribune, la présentation de Noam Chomsky à La Mutualité, le 29 mai 2010 par Serge Halimi, directeur du Monde Diplomatique : pour accueillir Noam Chomsky et aller au-delà des discours autorisés par les médias dominants et intellectuels médiatiques. Comme le montre le texte de la conférence qu’il a prononcée à la suite de cette présentation et qui est disponible ici. Lire la suite

[2010] Une participation directe à la créativité

Amauta : Alors, je voulais commencer cette interview avec votre voyage récent en Amérique Latine. J’ai entendu dire que vous étiez en Amérique Latine et que vous étiez au Mexique lundi dernier et le week-end dernier. C’était comment ? Juste un avis général. Lire la suite

[2008] Les médias et la « fabrication du consentement »

Penseur omniprésent de ces dernières décennies, Noam Chomsky est célèbre pour son militantisme contre la guerre du Viêt-nam, ses critiques acerbes de la politique étrangère américaine et ses prises de position controversées sur les limites de la liberté d’expression. Il revient ici sur le rôle des médias et ses démêlés avec les intellectuels français. Lire la suite