[2009] Crise et espoir : les leurs et les nôtres +

La répartition des préoccupations illustre une autre crise, une crise culturelle: la tendance à se concentrer sur des gains à court terme d’ordre privé, qui constitue un élément central de nos institutions socioéconomiques et de leur système de soutien idéologique. Une des illustrations en est le dispositif d’incitations perverses destinées à l’enrichissement personnel des grands patrons, quelle que puisse en être l’incidence néfaste sur les autres. […]

Il y a un décalage important entre l’opinion publique et les politiques publiques sur quantité de sujets majeurs, d’ordre intérieur et relatifs à la politique étrangère, et c’est l’opinion publique qui a bien souvent des réactions plus saines, du moins selon moi. […]

De toutes les crises qui nous affectent, celle du déficit démocratique croissant sera peut-être la plus sérieuse… Lire la suite

[2010] L’état d’esprit qui règne aux États-Unis : « Je n’ai jamais rien vu de tel »

Noam Chomsky est le plus grand intellectuel des États-Unis. La quantité impressionnante de ses écrits, qui comprennent prés de 100 livres, ont depuis des décennies démonté et exposé les mensonges des élites au pouvoir et les mythes qu’elles entretiennent. Et Chomsky l’a fait malgré la censure des médias commerciaux qui l’ont mis sur une liste noire, malgré son statut de paria au sein du monde universitaire et, de son propre aveu, malgré le fait qu’il soit un orateur pédant et parfois légèrement ennuyeux. Il combine une indépendance intellectuelle avec une démarche rigoureuse, une capacité remarquable de saisir les détails et une intelligence hors du commun. Il dénonce sans détours notre système à deux partis qu’il décrit comme un mirage orchestré par un gouvernement au service des entreprises privées, et il critique sévèrement l’intelligentsia libéral [NdT : “liberal” = plus ou moins l’équivalent de “progressiste” aux États-Unis] qui ne sont que les courtisans du système et décrit le flot émis par les médias commerciaux comme une forme de « lavage de cerveau ». En tant que critique le plus clairvoyant du capitalisme débridé, de la globalisation et de l’empire, il aborde sa 81ème année en nous mettant en garde sur le peu de temps qui nous reste pour sauver notre démocratie anémique. Lire la suite

[2009] Il n’y a plus de sentiment d’espoir

Pour Noam Chomsky, professeur au MIT, la financiarisation de l’économie, l’idéologie « fanatique » de l’efficacité des marchés et le pouvoir croissant du secteur financier ont précipité cette crise. Si celle-ci ne lui paraît pas à la même échelle que la Grande Dépression des années 1930, il estime qu’il y avait alors plus d’espoir dans les catégories modestes.

Né à Philadelphie, il y a quatre-vingts ans, Noam Chomsky est un des dix universitaires les plus cités dans le monde. Fondateur de la grammaire générative, ses recherches ont joué un rôle crucial dans la « révolution cognitive », qui rapproche le fonctionnement de l’esprit de celui d’une machine de traitement de l’information. A la manière d’un Sartre en France, il a mis son immense notoriété au service de combats qui le situent du côté de l’extrême-gauche. Lorsqu’on le rencontre dans son bureau encombré de livres au MIT, dans un immeuble multiformes dessiné par Frank Gerhy, cet infatigable militant paraît apaisé, tranquille, bienveillant. Jusqu’à ce qu’il se mette à parler. Adversaire patenté de George Bush, cet intellectuel de gauche ne ménage pas pour autant ses piques contre Barack Obama, parce que ce dernier ne bousculera pas l’ordre établi que l’éminent linguiste condamne de toutes ses forces. Polémiste vigoureux, critique acerbe de la politique extérieure américaine, il porte un oeil sans complaisance sur la crise actuelle. Celle-ci ne changera rien parce que le pouvoir reste à la botte des financiers, explique-t-il. Il décrit le prolétariat américain dans une situation de désespoir, incapable de s’organiser pour lutter contre les puissances de l’argent. Lire la suite

[2008] Le capitalisme ne peut pas se terminer parce qu’il n’a jamais commencé

Face au débat qui se tient aujourd’hui sur la crise actuelle, nous voulions connaître la version qu’en fait une des voix états-uniennes les plus éminentes de l’analyse et de la critique de son pays et du monde, Noam Chomsky.

Pour le célèbre linguiste, les politiques de dérégulation financière ont rendu le krach inévitable. Si l’ère néolibérale semble sur le point de se refermer, les réformes envisagées ne changeront rien à la structure du capitalisme. La contestation s’organise bien en Amérique du Sud, mais elle devrait encore s’étendre et gagner en force pour bousculer l’ordre établi. Lire la suite