Biographie

[Extrait de la page Wikipedia de Noam Chomsky]

Présentation

Noam Chomsky, né Avram Noam Chomsky le 7 décembre 1928 à Philadelphie en Pennsylvanie, est un linguiste et philosophe américain. Professeur émérite de linguistique au Massachusetts Institute of Technology où il a enseigné toute sa carrière, il a fondé la linguistique générative. Il s’est fait connaître du grand public, à la fois dans son pays et à l’étranger, par son parcours d’intellectuel engagé de sensibilité anarchiste.
Chomsky a commencé à développer sa théorie de la grammaire générative et transformationnelle dans les années 1950 en cherchant à dépasser aussi bien l’approche structuraliste, distributionnaliste que comportementaliste dans l’étude du langage naturel. Visant à rendre compte des structures innées de la « faculté de langage », cette théorie est souvent décrite comme la contribution la plus importante dans le domaine de la linguistique théorique du xxe siècle et on a parfois parlé de « révolution chomskienne ». Pour répondre aux critiques développées dans les années 1970 envers son premier modèle, Chomsky a proposé au début des années 1980 une nouvelle version de sa théorie fondée sur une approche modulaire. Il a ensuite jeté les bases, au cours des années 1990, de ce qu’il a appelé le « programme minimaliste ».
Les recherches de Chomsky ont joué un rôle crucial dans ce que l’on appelle la « révolution cognitive ». Sa critique du Verbal Behavior (« comportement verbal ») de Skinner en 1959, a remis en question l’approche comportementale de l’étude de l’esprit et du langage, qui dominait dans les années 1950. Son approche naturaliste de l’étude du langage a également eu un grand impact en philosophie du langage et de l’esprit. Il a également établi la hiérarchie de Chomsky, moyen de classification des langages formels en fonction de leur pouvoir de génération.
En parallèle de sa carrière scientifique, Noam Chomsky mène une intense activité militante depuis le milieu des années 1960 lorsqu’il a pris publiquement position contre l’engagement américain au Viêt Nam. Sympathisant du mouvement anarcho-syndicaliste et membre du syndicat IWW, il a donné une multitude de conférences un peu partout dans le monde et a publié de nombreux livres et articles dans lesquels il fait part de ses analyses historiques, sociales et politiques. Ses critiques portent tout particulièrement sur la politique étrangère des États-Unis d’Amérique et le fonctionnement des mass médias.
En 1992, d’après l’Arts and Humanities Citation Index, Chomsky a été plus souvent cité qu’aucun autre universitaire vivant pendant la période 1980–92. Il occupe la huitième position dans la liste des auteurs les plus cités. Il est considéré comme une figure intellectuelle majeure du monde contemporain, à la fois controversée et admirée. Plusieurs livres et documentaires lui ont été consacrés.

Biographie

Chomsky est né à Philadelphie en Pennsylvanie. Son père, William Chomsky, était un spécialiste de l’hébreu qui avait fui la Russie en 1913. Sa mère Elsie, née Simonofsky aux États-Unis, enseignait également l’hébreu. Noam grandit « immergé dans la culture, l’érudition et les traditions du judaïsme et de l’hébreu ». Vers l’âge de huit ou neuf ans, Chomsky passait chaque vendredi soir à lire de la littérature hébraïque avec son père. Il a été scolarisé avant l’âge de deux ans dans une école d’inspiration deweyite gérée par l’Université Temple, l’Oak Lane Country Day School, école dont le principe d’évaluation était basé principalement sur la créativité – individuelle et collective – des élèves. Il y est resté jusqu’à l’âge de douze ans puis a retrouvé le système scolaire classique en entrant à l’école secondaire centrale de Philadelphie dont le climat de compétition interpersonnelle le consternait.
Selon ses souvenirs, Chomsky écrivit son premier article pour le journal de son école en 1939 au sujet de la menace de l’expansion du fascisme après la chute de Barcelone dans la guerre d’Espagne, il fut bouleversé par cette chute et l’écrasement final des mouvements anarcho-syndicalistes comme du Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM). C’est au début de l’adolescence qu’il entra en contact avec les idées anarchistes en fréquentant notamment le kiosque à journaux que tenait un de ses oncles à New York et qui formait une sorte de « salon politico-littéraire très vivant où se retrouvaient des intellectuels et des professions libérales ». Au cours de ses excursions new-yorkaises, Il se retrouvait souvent dans les locaux du journal anarchiste Freie Arbeiter Stimme dont l’un des plus importants collaborateurs était Rudolf Rocker.
Chomsky est entré en 1945 à l’université de Pennsylvanie en donnant des cours d’hébreu pour financer ses études. Il y a notamment étudié la philosophie auprès de C. West Churchman, Nelson Goodman et Morton White, et la linguistique auprès de Zellig Harris. Les idées à la fois linguistiques et politiques de Harris furent déterminantes dans l’orientation intellectuelle et scientifique de Chomsky et leur relation de maître à élève déboucha sur une étroite amitié. Il a décroché son Bachelor of Arts en 1949 avec un mémoire intitulé Morphophonetics of Moderne Hebrew. La même année, Chomsky s’est marié avec la linguiste Carol Doris Schatz (1930-2008) qu’il connaissait depuis l’enfance– ils ont eu deux filles, Aviva (née en 1957) et Diane (1960), ainsi qu’un fils, Harry (1967).
Chomsky a soutenu sa thèse de linguistique à l’université de Pennsylvanie en 1955, après avoir poursuivi ses recherches de 1951 à 1955 à Harvard en tant que Harvard Junior Fellow. Dans son mémoire, il a commencé à développer certaines des idées qu’il a approfondies dans son livre de 1957 intitulé Structures syntaxiques.
Chomsky a rejoint ensuite le Massachusetts Institute of Technology (MIT) en 1955 grâce à l’appui de Roman Jacobson, comme professeur associé au sein du laboratoire de recherche en électronique de l’institut qui travaillait sur un projet de machine à traduire. En 1961, il a été nommé professeur dans le « Département de langues modernes et de linguistique », créé pour accueillir le troisième cycle en linguistique mis sur pied par Morris Halle et lui-même.
C’est vers 1964 que Chomsky a pris la décision de s’engager publiquement dans le débat politique. C’est comme intellectuel qu’il est devenu l’un des principaux opposants à la guerre du Viêt Nam avec la publication en février 1967 de son essai « Responsabilités des Intellectuels » dans la New York Review of Books. Il y insistait sur l’idée que dans la mesure où les intellectuels ont, comparé au reste de la population, plus facilement accès à la vérité, ils ont d’autant plus de responsabilité face à elle. Si cette publication a entraîné la mobilisation de nombreux universitaires dans les mois qui suivirent, son activisme, et notamment son soutien public aux déserteurs de l’armée américaine par le biais de l’« appel à la résistance contre toute forme d’autorité illégitime », lui valut d’être poursuivi en justice pour complicité de « résistance active à la loi d’incorporation militaire ». Mais après l’Offensive du Tết de fin janvier 1968, les poursuites furent abandonnées. Il s’est retrouvé également sur la liste secrète des « opposants politiques » du Président Nixon dont l’existence a été révélée en 1971. Depuis lors, Chomsky n’a pas cessé de publier ses analyses politiques et de donner de nombreuses conférences et interviews dans le monde entier. Ses critiques de la politique étrangère américaine, souvent reprises en dehors des États-Unis, l’ont exposé aux critiques nourries aussi bien des libéraux américains que de la droite américaine.
Entre 1966 et 1976, il a été titulaire de la chaire « Ferrari P. Ward de langues modernes et linguistique ». En 1976, il a accédé au titre rare d’Institute Professor. Chomsky a enseigné au MIT toute sa carrière.
Profondément rationaliste, Chomsky rejette formellement le post-structuralisme et les critiques postmodernes de la science.
L’adjectif éponyme « chomskyen » a été créé pour désigner ses travaux et ses idées, mais ce terme est peu apprécié par Chomsky lui-même qui considère la « personnalisation » comme indue dans le domaine de la science.
Sa fille aînée, Aviva Chomsky, historienne spécialiste de l’histoire de l’Amérique latine et des Caraïbes, est coordinatrice des études latino-américaines au collège d’État de Salem (Massachusetts).

Un intellectuel dissident

Contre les élites et la « pensée dominante »

Stanley Cohen, professeur de sociologie à la LSE, explique que Chomsky ne cherche pas à s’adresser aux puissants – « the Kissingers of the world » – qui savent très bien ce qu’il en est, mais aux gens ordinaires qui ont besoin d’être mieux informés pour agir. Il considère que « les intellectuels qui gardent le silence à propos de ce qu’ils savent, qui se désintéressent des crimes qui bafouent la morale commune, sont encore plus coupables quand la société dans laquelle ils vivent est libre et ouverte. Ils peuvent parler librement, mais choisissent de ne rien en faire. » Chomsky reconnaît vivre dans un pays possédant de hauts standards en matière de liberté d’expression et agit comme « intellectuel critique », en étant à la fois au service des militants luttant pour un monde plus juste et en proposant ce que Jean Bricmont appelle des « outils d’auto-défense intellectuelle contre le discours dominant ». Pour ce dernier, qui a co-dirigé un « Cahier de L’Herne » consacré à Chomsky, « dans un monde où des cohortes d’intellectuels disciplinés et de médias asservis servent de prêtrise séculière aux puissants, lire Chomsky représente un acte d’autodéfense. Il peut permettre d’éviter les fausses évidences et les indignations sélectives du discours dominant ». La Revue internationale et stratégique, dans un compte rendu de son recueil d’articles publié sous le titre De la guerre comme politique étrangère des États-Unis, souligne que « Chomsky permet au lecteur de tenir une réflexion critique sur les discours officiels, de ne pas se soumettre à la pensée dominante ».

Critique de la « fabrication du consentement »

Noam Chomsky, en collaboration avec l’universitaire Edward Herman, a contribué à la naissance des travaux consacrés à la « politique économique » (« political economy ») des médias de masse. Cette approche s’intéresse, dans une perspective critique, au fonctionnement de l’industrie des médias dans ses rapports avec les pouvoirs économique et politique. Partis du constat qu’en démocratie les élites ne peuvent pas se contenter d’user de la force pour asseoir leur domination et du principe que les intérêts de la majorité de la population diffèrent de ceux de l’élite, Chomsky et Herman ont cherché à démontrer empiriquement, dans leur livre La Fabrication du consentement (1988), comment, dans le contexte américain, les principaux médias participent au maintien de l’ordre établi. Dans leur optique, les médias tendent à maintenir le débat public et la présentation des enjeux dans un cadre idéologique construit sur des présupposés et intérêts jamais questionnés, afin de garantir aux gouvernants l’assentiment ou l’adhésion des gouvernés. C’est ce qu’ils ont appelé, en reprenant une formule forgée en 1922 par Walter Lippmann, l’un des fondateurs des relations publiques, la « fabrication du consentement » (« manufacturing consent »). Ils ont basé leur analyse sur ce qu’ils ont appelé un « modèle de propagande ». Selon ce modèle, cinq filtres déterminent en grande partie l’information produite dans et par les médias, à savoir : les caractéristiques économiques du média considéré (taille, actionnariat, orientation lucrative), la régulation par la publicité, la nature des sources d’information, les « contre-feux » (« flak ») et moyens de pression, l’idéologie anticommuniste (peut être étendu à tout élément idéologique dominant). Ils ont ainsi « décrit la relation étroite entre l’économie et les intérêts militaires américains et le concept de « menace soviétique » dans ses différentes manifestations » et relevé de « nombreux liens et intérêts partagés entre les médias, le gouvernement et le monde de l’entreprise aux États-Unis ». Leur étude a établi que le traitement médiatique des pays ennemis des États-Unis est systématiquement différent de celui réservé aux pays alliés, défavorable dans le premier cas et favorable dans le second.
Chomsky avance aussi que dans une société démocratique, la ligne politique défendue n’est jamais énoncée comme telle mais sous-entendue. Ainsi, les débats et les dissensions, dont l’existence est nécessaire pour pouvoir continuer à soutenir que la liberté règne, se situent dans le cadre d’un « consensus largement internalisé ».
Le modèle proposé par Chomsky et Herman, vivement débattu et contesté, a parfois été jugé « statique » ou « unidimensionnel », en ce qu’il ne prend pas en compte les capacités de résistance du public et les effets réellement produits sur l’opinion publique. Il a également été critiqué d’un point de vue sociologique comme trop « fonctionnaliste ». Mais pour l’universitaire Jeffery Klaehn, qui a dirigé en 2005 un livre consacré au « modèle de propagande », celui-ci est aujourd’hui encore plus pertinent qu’il ne l’était à l’époque de sa genèse au vu de la « globalisation de l’économie et du pouvoir et de l’infuence croissants des grandes multinationales » face à l’« impuissance croissante d’une vaste majorité de la population mondiale ».

Dissidence politique

Article détaillé : Opinions politiques de Noam Chomsky.
Depuis la manifestation publique de son opposition à la Guerre du Viêt Nam, Chomsky n’a plus quitté la sphère du débat public. Il a formulé des analyses sur la politique et les affaires internationales, notamment dans les nombreux livres, articles et tribunes qu’il a consacrés à ces questions. Ses analyses, largement citées ou reprises, ont fait l’objet de vifs débats et controverses.
Depuis la publication de L’Amérique et ses nouveaux mandarins en 1969, Chomsky a consacré l’essentiel de ses interventions publiques à une critique radicale de la politique étrangère des États-Unis d’Amérique. Elle n’est selon lui guidée que par la volonté de favoriser coûte que coûte l’expansion ou le maintien de l’empire américain, si bien que « les États-Unis ne peuvent tolérer le nationalisme, la démocratie et les réformes sociales dans le tiers monde, parce que les gouvernements de ces pays devraient alors répondre aux besoins de la population et cesser de favoriser les intérêts des investisseurs américains ». Pour Robin Blackburn, Chomsky déploie un large spectre de critiques bien informées contre le gouvernement américain74 et Irene Gendzier souligne que ses innombrables écrits ont apporté la preuve que la politique américaine a été impliquée dans « le renversement de la démocratie, l’entrave au développement indépendant et la légitimation de la force dans le tiers monde, au nom de la démocratie ». De manière plus générale, il développe des positions antiguerres et s’est élevé contre la plupart des conflits dans lesquels l’armée américaine s’est trouvée engagée. Parfois classé comme pacifiste, il ne considère cependant pas toute violence comme illégitime a priori.
À ce titre, Chomsky pense notamment que l’étiquette de « terroriste » est une arme idéologique employée par des gouvernements qui ont été incapables de reconnaître la dimension terroriste de leurs propres activités. Il critique largement la politique d’Israël vis-à-vis des Palestiniens et le soutien des États-Unis à cette politique. Pour lui, loin de conduire à un véritable « processus de paix », le soutien diplomatique et militaire apporté depuis la résolution 242 par les États-Unis à leurs alliés israéliens au Moyen-Orient bloque toute initiative concrète en ce sens. En Israël, selon le quotidien Haaretz, « Chomsky est vu par la droite, mais pas seulement, comme un déserteur, un traitre et un ennemi de son peuple ».
Deux mois après les attentats du 11 septembre, Chomsky publie chez une maison d’édition indépendante un petit livre d’entretiens intitulé 9-11. Il y explique notamment, comme le New York Times s’en fait l’écho, que ces attaques sont d’« horribles atrocités » mais que « nous ne pouvons considérer les États-Unis comme des victimes que si nous nous plaçons dans la perspective commode qui consiste à ignorer tout ce que ce pays et ses alliés ont fait ». Le livre devient un best-seller avec 300 000 exemplaires écoulés en quelques semaines. Traduit en 23 langues et publié dans 26 pays, il est devenu « l’une des meilleures ventes d’aucun autre écrivain politique vivant, comptabilisant des millions d’exemplaires vendus aux États-Unis et à l’étranger ». Son second livre sur le sujet, Power and Terror. Post-9/11 Talks and Interviews, publié en mars 2003 chez le même éditeur, devient lui aussi un best-seller.
En février 2002, Chomsky s’invite au procès de son éditeur turc Fatih Tas poursuivi pour avoir publié des textes dans lesquels il dénonce ce qu’il qualifie d’opérations terroristes menées contre la minorité kurde par le gouvernement d’Ankara. Réclamant d’être lui aussi placé sur le banc des accusés, il contribue à l’obtention de l’acquittement de l’éditeur.
En 2006, il se déclare favorable à la partition du Kosovo entre Serbes et Albanais dans le but de couper les « racines de la haine », comme l’intellectuel serbe Dobrica Ćosić, ou à la refonte d’une grande Yougoslavie avec intégration de l’Albanie grâce à la création d’un parti social-révolutionnaire en Albanie et dans tous les États de l’ex-Yougoslavie.
Le 7 septembre 2007, il fait partie des intellectuels cités par Oussama ben Laden parmi ceux que le peuple américain devrait étudier. Le chef d’Al-Qaida précise en janvier 2010 dans un enregistrement audio diffusé par Al Jazeera que « Noam Chomsky a raison quand il compare la politique américaine à celle de la Mafia ».
Le 16 mai 2010, Israël le retient quatre heures et refuse finalement son entrée en Cisjordanie alors qu’il devait donner une conférence à l’université de Beir Zeit dans le cadre d’une tournée de conférence dans la région.
Le 6 mai 2011, Noam Chomsky réaffirme qu’il n’existe aucune preuve sérieuse que Oussama Ben Laden, pas plus qu’Al Qaida, soit à l’origine des événements du 11 septembre 2001 et donc que Barack Obama a menti. Pour lui, des « aveux » ne signifient rien. Il soutient que l’opération américaine menée pour tuer Ben Laden est un assassinat planifié qui multiplie clairement les violations du droit international. Il ajoute enfin que les crimes de G. W. Bush surpassent largement ceux de Ben Laden et que, si l’on suit la doctrine Bush, c’est Bush lui-même qui en a appelé à l’invasion et à la destruction des États-Unis.

Critiques et polémiques

L’« affaire Faurisson »

Une des prises de position les plus controversées de Chomsky concerne l’« affaire Faurisson ». Ancien professeur de littérature à l’université de Lyon, Robert Faurisson fut suspendu de ses fonctions à la fin des années 1970 et poursuivi en justice parce qu’il avait, entre autres, nié l’existence des chambres à gaz pendant la Seconde Guerre mondiale. Une pétition pour défendre sa liberté d’expression fut signée par plus de cinq cents personnes, dont Chomsky. Pour répondre aux réactions que suscita son geste, Chomsky rédigea alors un court texte dans lequel il expliquait que défendre le droit pour une personne d’exprimer ses opinions ne revenait nullement à les partager. Cette position classique en matière de liberté d’expression est celle des Lumières et du premier amendement de la Constitution américaine.
Il donna son texte à un ami d’alors, Serge Thion, en lui permettant de l’utiliser à sa guise. Or Thion le fit paraître, comme « avis », au début du livre publié en 1980 par Faurisson et intitulé Mémoire en défense. Chomsky n’a cessé de rappeler qu’il n’avait jamais eu l’intention de voir publier son texte à cet endroit et qu’il chercha, mais trop tard, à l’empêcher. À ce propos, Chomsky explique : « J’appris plus tard que ma déclaration devait apparaître dans un livre dans lequel Faurisson se défend des charges qui devaient bientôt être retenues contre lui lors d’un procès. Bien que ceci ne fût pas mon intention, ce n’était pas contraire à mes instructions. Je reçus une lettre de Jean-Pierre Faye, un écrivain et militant anti-fasciste bien connu, qui était d’accord avec ma position mais me pressait de retirer ma déclaration car le climat de l’opinion en France était tel que ma défense du droit de Faurisson à exprimer son point de vue serait interprétée comme un soutien pour ce dernier. Je lui écrivis que j’acceptai son jugement, et demandais que ma déclaration n’apparaisse pas, mais il était alors trop tard pour stopper la publication. » Au sujet de sa demande de non publication de sa déclaration, Chomsky précise que « a posteriori, je pense que probablement je n’aurais pas dû faire cela. J’aurais dû dire “Ok, laissez [le texte] paraître ainsi car il doit paraître”. Mais cela mis à part, je considère [ma prise de position] dans cette affaire comme non seulement anodine, mais surtout insignifiante comparée à d’autres positions que j’ai prises sur la liberté d’expression ».
L’historien français Pierre Vidal-Naquet, spécialiste du négationnisme, a considéré cependant que la pétition signée par Chomsky allait plus loin que la simple défense de sa liberté d’expression, défense à laquelle il souscrivait lui aussi. La pétition présentait la recherche de Faurisson comme sérieuse (« une recherche historique approfondie et indépendante sur la question de “l’holocauste” »). De plus, Vidal-Naquet a reproché à Chomsky d’avoir qualifié Faurisson de « sorte de libéral relativement apolitique » alors que les textes de ce dernier manifestaient selon lui un antisémitisme patent : « Vous aviez le droit de dire : mon pire ennemi a le droit d’être libre, sous réserve qu’il ne demande pas ma mort ou celle de mes frères. Vous n’avez pas le droit de dire : mon pire ennemi est un camarade, ou un “libéral relativement apolitique”. Vous n’avez pas le droit de prendre un faussaire et de le repeindre aux couleurs de la vérité. »
Pour Chomsky, comme l’analyse Justin Wintle, « la liberté d’expression est plus importante que n’importe quelle version des faits soutenue par l’ordre établi, quel que soit le rapport qu’elle puisse entretenir avec la vérité factuelle ».
Le 8 septembre 2010, le Pr. Jean Bricmont et Paul-Éric Blanrue communiquent que Noam Chomsky soutient la pétition pour l’abrogation de la loi Gayssot et la libération du négationniste Vincent Reynouard.

Face à ses contradicteurs

Aux États-Unis, il faut distinguer deux types qualitativement très différents de critiques :
le premier, qui domine largement le second quantitativement, concerne les écrits et prises de position de Chomsky sur les questions de la politique américaine et l’usage de sa puissance militaire ;
le second concerne ses travaux en linguistique qui, même s’ils sont largement reconnus comme fondamentaux, ont fait l’objet de débats scientifiques. Le linguiste Timothy Mason explique par exemple que « si vous parcourez la toile, vous découvrirez que la majorité des documents sur l’acquisition du langage – que ce soit pour une première ou une seconde langue – est fortement nativiste et souvent considère comme un fait accompli que Chomsky et Fodor ont, pris ensemble, balayé toute possibilité d’opposition. Dans le monde anglophone – les Français sont, par exemple, bien plus sceptiques – la Grammaire Universelle ou encore le module langagier règnent sans partage »100. Le Français Sylvain Auroux par exemple, tout en reconnaissant l’importance historique du travail mené par Chomsky estime que « tous les modèles épistémologiques chomskiens sont ou faux, ou ambigus ou absurdes ».
Le journaliste américain Paul Bogdanor a publié en 2007 sur son site un document intitulé « The Top 200 Chomsky Lies » (les « 200 plus gros mensonges de Chomsky »). Sur ce point Richard Dawkins, éthologiste reconnu, a cependant reproché à Bogdanor des erreurs, sa partialité et la faible crédibilité du document[réf. nécessaire]. Le politologue Philippe Moreau Defarges a parlé au début des années 1980 de « rage manichéenne » à propos des écrits de Chomsky et Edward Herman sur la « Washington Connection ». Dans le même esprit, Richard Posner critique le caractère unilatéral des critiques chomskyennes et voit dans son « anarcho-pacifisme » un exemple de l’erreur classique – commise selon lui par de nombreux intellectuels issus de l’université – qui consiste à confondre politique et éthique personnelle.
La droite américaine prend régulièrement Noam Chomsky pour cible. Daniel Pipes a confié en 2002 : « Je désire que Noam Chomsky soit enseigné dans les universités au moins autant que je désire que les écrits de Hitler ou Staline le soient. Ce sont des idées violentes et extrémistes qui n’ont pas il me semble leur place à l’université. » Il figure en bonne place dans les livres The Professors: The 101 Most Dangerous Academics in America de David Horowitz et 100 People Who Are Screwing Up America de Bernard Goldberg, deux pamphlets publiés en 2006. En 2005, Alan Dershowitz a débattu âprement avec lui à propos du conflit israélo-palestinien. Ses idées économiques et politiques ont également été critiquées par le Ludwig von Mises Institute qui considère que malgré le refus du marxisme par Chomsky, sa pensée est très inspirée de celle de Marx. En outre, il la considère comme contradictoire en ce qu’elle refuse le capitalisme tout en pensant pouvoir en conserver les fruits.
Noam Chomsky essuie également quelques critiques du mouvement antiguerre américain : le journaliste Jeffrey Blankfort lui reproche d’une part d’écarter les questions sur les attentats du 11 septembre 2001, d’autre part de s’être opposé au MIT à la campagne de désinvestissement et finalement de sous-estimer l’importance du « Congrès sioniste » sur le gouvernement américain (via notamment l’influence de l’AIPAC).
Au sein du mouvement anarchiste contemporain, les vues politiques de Chomsky sont souvent critiquées pour leur caractère « étatiste ». Ainsi le militant américain Murray Bookchin fustigeait-il dans une interview en 1996 la « gauche américaine » qui « pousse si loin la sottise que quelqu’un comme Chomsky, qui se dit anarchiste, veut renforcer, ou du moins soutenir l’État centralisé contre les demandes de “dévolution” aux gouvernements des États, comme si l’État centralisé pouvait être utilisé contre les compagnies, qu’il a toujours fini par aider ! ». Loin de s’inscrire dans la tradition révolutionnaire de l’anarcho-syndicaliste, il est critiqué comme un simple démocrate réformiste. Dans le même esprit, un militant du mouvement Cuba Libertaria le décrit en « bouffon de Chavez » à la suite de sa rencontre avec le Président du Venezuela fin août 2009.
À l’extrême gauche trotskiste, l’International Committee of the Fourth International (Quatrième Internationale) l’a également critiqué à l’occasion de sa prise de position en faveur du candidat John Kerry lors de l’Élection présidentielle américaine de 2004, lui reprochant, avec sa maxime du « entre deux maux, il faut choisir le moindre », de faire le jeu de l’establishment et de la « bourgeoisie “libérale” ».
En France, Emmanuel Todd, qui défend dans son essai Après l’empire la thèse que les États-Unis ne sont plus tout-puissants, considère Chomsky comme un « antiaméricain structurel » qui n’a « aucune conscience de l’évolution du monde » et pour lequel « après comme avant l’effondrement de la menace soviétique, l’Amérique est la même, militariste, oppressive, faussement libérale, en Irak aujourd’hui comme au Vietnam il y a un quart de siècle ». Pierre Guerlain nuance le propos en considérant que pour Chomsky « le monde est complexe, un réseau complexe d’interactions dans lequel les États-Unis pèsent de tout leur poids » et qu’il essaie simplement de « comprendre quel rôle les États-Unis jouent dans ces interactions complexes ».
Sa critique des médias a été qualifiée de « conspirationniste » par certains de ses critiques, bien que Chomsky lui-même s’en défende. Il ne prétend que produire une simple « analyse institutionnelle » et avance : « à mon avis, « théorie de la conspiration » est devenu l’équivalent intellectuel d’un mot de cinq lettres. C’est quelque chose que les gens disent quand ils ne veulent pas que vous réfléchissiez à ce qui se passe vraiment ». Des points de vue se sont opposés en France, au sein des gauches radicales, sur cette question.

Distinctions

Au cours de sa carrière, Chomsky a été invité à donner des conférences dans de nombreuses universités : cycle de conférences sur John Locke à l’université d’Oxford (printemps 1969), conférence commémorative sur Bertrand Russell à l’université de Cambridge (janvier 1970), conférence commémorative Nehru à New Delhi (1972), conférence Huizinga à Leiden (1977), conférence commémorative Davie sur la liberté académique au Cap (1997).
Chomsky a reçu des diplômes honorifiques de plus de trente universités un peu partout dans le monde. Il est membre de l’Académie américaine des arts et des sciences, de l’Académie nationale américaine des sciences et de la Société philosophique américaine. Il appartient également à d’autres associations et sociétés privées aux États-Unis et ailleurs, et est notamment récipiendaire du prix de la contribution scientifique de l’Association américaine de psychologie (1984).
Il a reçu le prix Kyoto en 1988, la médaille Helmholtz, le prix de la paix Dorothy Eldridge, et la médaille Benjamin Franklin en sciences cognitives et de l’information. Il a reçu deux fois le prix Orwell accordé par le Conseil américain des professeurs d’anglais pour ses « éminentes contributions à la sincérité et la clarté du langage public » en 1987 et 1989 (« Distinguished Contributions to Honesty and Clarity in Public Language »).
Chomsky a été reconnu « plus grand intellectuel vivant » par un sondage organisé et publié en 2005 par les magazines Prospect (britannique ) et Foreign Policy (américain). Il a réagi en déclarant qu’il ne faisait pas très attention aux sondages.