[1999] Deux heures de lucidité (7/9) – La démocratie
La démocratie est le meilleur système, pas le moins pire. […] elle existe mais n’a pas encore rempli toutes ses promesses. […]
L’Europe s’imagine qu’elle a des intellectuels engagés, mais la réalité est bien différente, à quelques exceptions près. Quand il y a eu des progrès, ils sont venus non pas des intellectuels, mais d’abord et surtout des forces populaires, et bien souvent des organisations de la classe ouvrière. […]
Il a fallu des centaines d’années pour convaincre les gens que, conformément à l’éthique du capitalisme, ils devaient s’enrichir et rompre avec l’égalitarisme. C’est la politique des élites. […]
Plus une société est libre, plus elle a recours à la peur et à la propagande. […] Tout l’art de la propagande consiste à donner aux gens le sentiment qu’ils sont impuissants, isolés, coupés les uns des autres. En fait, pour l’industrie de la publicité et de la propagande commerciale en général, le monde idéal serait un monde fondé sur deux éléments : d’abord la télévision, chacun devant son poste, coupé des autres, voire de sa famille ; ensuite, pour autant que cet idéal puisse être approché, que les gens ne constituent plus une menace pour les riches et les privilégiés, de sorte qu’il n’y ait pas de « crise de la démocratie» au sens où l’entendent les élites. Les gens ne s’occuperaient que de leur propre petite vie, des choses superficielles de l’existence, comme les objets de consommation à la mode ou le sport. Ils seraient «spectateurs», et non «acteurs», dans l’élaboration de la politique à tous les échelons : local, sur les lieux de travail et au-delà.[…]
Les médias ne représentent qu’une toute petite partie de la vaste machine de propagande. Il existe un système d’endoctrinement et de contrôle beaucoup plus vaste, dont les médias ne sont qu’un rouage : l’école, l’intelligentsia, toute une panoplie d’institutions qui cherchent à influencer et à contrôler les opinions et les comportements, et dans une large mesure à maintenir les gens dans l’ignorance. […]
Ce qui empêche les gens de se révolter, ce n’est pas qu’ils ne savent pas. Ils ne se révoltent pas parce que cela coûte cher. Si vous prenez l’initiative de changer Tordre des choses, vous risquez de le payer très cher. […] Si l’on veut agir, il faut se moquer de l’opinion; c’est la seule façon d’être libre et de faire ce que l’on pense être juste. Lire la suite