[2001] 11/09/2001 : une première réaction

[À l’occasion des 10 ans, un petit retour en arrière…]

Par Noam Chomsky

Retour CounterPunch.org, 12 septembre 2001 Imprimer

Ces attaques terroristes sont des atrocités majeures. Il est possible qu’elles n’aient pas atteint le niveau de beaucoup d’autres, telles le bombardement par Clinton du Soudan, sans aucun prétexte crédible, détruisant la moitié de son industrie pharmaceutique et tuant une quantité inconnue de personnes (inconnue, puisque les Etats-Unis ont bloqué une enquête de l’ONU, et que personne ne veut la poursuivre). Sans parler d’autres drames bien plus graves qui viennent facilement à l’esprit. Mais aucun doute : ce qui vient de se passer est un crime atroce. Les premières victimes, comme d’habitude, ont été des travailleurs et des travailleuses : portiers, secrétaires, pompiers, etc. Cela annonce sans doute une tempête infernale contre les Palestiniens et autres peuples pauvres et opprimés. Et il en résultera aussi probablement des contrôles de sécurité serrés, avec beaucoup de ramifications envisageables pour saper les libertés publiques y compris au niveau international.

Ces événements révèlent dramatiquement la folie du projet de « défense anti-missile ». Cela était évident depuis le départ, et a été souligné à maintes reprises par les analystes en stratégie : si quiconque veut causer d’immenses dommages aux Etats-Unis, il est hautement improbable qu’il lance une attaque de missiles, garantissant ainsi sa destruction immédiate. Il y a une infinité de moyens plus simples et à peu près impossibles à contrer. Mais les événements de ce jour vont, selon toute probabilité, être exploités pour augmenter la pression en vue de développer ces systèmes et les mettre en place. Le prétexte de « Défense Nationale » est le cache-sexe de plans de militarisation de l’espace, et avec une bonne communication, même les arguments les plus creux auront un certain poids auprès d’un public effrayé.

En bref, ce crime est un cadeau à la droite extrême, ceux qui espèrent préserver leurs possessions par la force. Cela, même en laissant de côté les réactions prévisibles des Etats-Unis, et ce qu’elles déclencheront : possiblement d’autres attaques similaires à celle-ci, ou pires. Les perspectives sont encore plus sinistres aujourd’hui qu’elles semblaient l’être avant ces dernières atrocités.

Comment réagir ? Nous avons le choix. Nous pouvons exprimer notre horreur, elle est justifiée ; nous pouvons chercher à comprendre ce qui a pu engendrer ces crimes, ce qui implique de faire un effort pour se mettre dans la peau de ceux qui l’ont vraisemblablement commis. Si nous faisons ce dernier choix, nous ne pouvons faire mieux, me semble-t-il, que d’écouter les mots de Robert Fisk, dont la connaissance directe et en profondeur des affaires de la région est inégalée après de nombreuses années de remarquables reportages. En décrivant « la terrifiante cruauté d’un peuple écrasé et humilié », il écrit : « Ceci n’est pas la guerre de la démocratie contre la terreur, comme le monde sera prié de le croire ces prochains jours. C’est aussi l’histoire de missiles américains explosant dans des maisons palestiniennes, et d’hélicoptères américains lançant des missiles contre une ambulance libanaise en 1996, et d’obus américains s’écrasant sur un village du nom de Qana, et l’histoire de milices Libanaises payées et habillées par l’allié de l’Amérique (Israël) frappant et violant et assassinant tout sur leur passage dans des camps de réfugiés ». Et beaucoup plus encore. Je le répète, nous avons le choix : nous pouvons essayer de comprendre, ou le refuser et contribuer ainsi à rendre vraisemblable que bien pire nous attend.

© Noam Chomsky


Traduit par SD pour SamizDat


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